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Les Ménagères

Au début de leur destin
c'était pourtant des filles bien.
Elles sont entrées en fonction
comme on entre en religion.
Les ménagères.

Autour d'elles elles font briller
le parquet le bois le verre
et secouent leur derrière
en mouvemements bien cadencés.
Les ménagères.

Mais dans le lit conjugal
elles sont catins c'est normal.
Leur programme est bien fourni
pour le jour et pour la nuit.
Les ménagères.

Leurs proportions corporelles
s'avachissent avec les ans.
Et de leurs pauvres cervelles
on sourit depuis longtemps.
Les ménagères.

De la carne qu'elles cuisinent
elles ont bientôt pris la mine.
De la poussière qui les ceint
elles ont déjà pris le teint.
Les ménagères.

Rêvassant dans leurs torchons
elles voyagent à leur façon
et se disent qu'avec le temps
tout ira plus facilement.
Les ménagères.

Les v'là au bout du rouleau.
Elles sont usées jusqu'aux os.
Point d'statue pour les héros.
Et pour leurs droits c'est zéro.
Les ménagères.

Et c'est là leur Univers.
Mais il y a une récompense :
Grand cordon d'la Serpillière
et un coup d'pied où je pense.
Les ménagères.

Au début de leur destin
c'était pourtant des filles bien…


Esther Granek, Portraits et chansons sans retouches, 1976




Ce poème nous montre comment le travail peut influer sur la vie des personnes, ces ménagères étaient pourtant des filles bien, au début de leur destin.
Ce qui m'a attiré dans ce poème est le reprise des 2 premiers vers à la fin du poème, qui donne une impression d'infini, enclavé dans une boucle, et qui rend le message passé, d'une certaine façon, intemporel.

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